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4.
Cabo Verde (septembre-octobre 2003) Sao
Vicente (860 milles, 9 jours) On
se prépare à quitter Santa Cruz en fin d'après midi. Luc
nous demande si on a regardé la météo. Oui, oui, weatheronline
for ever, 15 noeuds de nordet, pas de problème. "Ah bon ! Je préfère
ne rien vous dire alors". Et nous partons. Dés
la sortie du port, un vent frais cueille Nomade, qui gigote beaucoup des fesses
sur une forte houle croisée. Marie prend un deuxième ris, nous réduisons
le gênois et réglons assez péniblement le régulateur
d'allure en choisissant un cap qui nous éloigne de la côte. Nous
espérons ainsi trouver un vent plus clément, mais en fait il forcit
régulièrement jusqu'à 35 noeuds (force 8) avec des grosses
vagues qui bouillonnent au sommet, exactement comme c'est décrit dans les
livres. Le troisième ris, c'est Marie qui va au mât, laisse une surface
de grand voile qui nous paraît encore bien grande. Et Nomade qui veut à
tout prix gagner la côte des grandes Canaries. Et cela va durer une dizaine
d'heures. C'est dans des moments comme cela qu'on se demande vraiment pourquoi
on s'est embarqué dans une telle affaire. Mais ce sont ces moments là
aussi qui vous creusent le caractère, les sensations et aussi l'estomac
(surtout si vous êtes sensible au mal de mer !). Et vous laissent, une fois
le calme revenu, comme simplifié, et assoupli. Le
lendemain, mardi, n'est guère plus reposant et c'est seulement le jeudi
que l'on retrouve un rythme paisible, avec une mer tout de même agitée,
mais un nordet bien stable de 10-15 noeuds. Je
vois mon premier poisson volant, et un peu plus tard en ramasse un dans le cockpit.
Et la nuit suivante c'est quasiment la pêche miraculeuse avec une douzaine
d'entre eux qui atterrissent sur le pont tandis que des
dauphins longent la coque et sautent à des hauteurs qui, sous la lune,
me semblent prodigieuses ; j'ai même peur qu'ils retombent eux aussi
sur le bateau ! Et au dîner il y avait déjà deux dorades coryphènes
succulentes pêchées à la palangrotte par Marik (et rissolées
par moi). Nous allons devenir très intelligents. | 
Les
yeux des poissons volants sont étrangement humains. |
Moon.
La luna. On peut dire que la lune a "marrainé" notre descente
des Canaries au Cap Vert comme Mars a parrainé celle de Muros à
Madère. La nuit, l'impression d'être dans une demi-bulle se renforce,
et ces loupiotes prennent beaucoup d'importance. Et puis en promeneurs des mers
que nous sommes, nous observons et cherchons à emmagasiner tout ce qui
vit et brille. Redescendons un peu sur terre, sur
mer veux-je dire. Au petit matin j'aperçois par un hublot, ahuri, un gros
cargo qui passe à 300m de Nomade, alors que l'alarme du radar aurait dû
retentir depuis longtemps. Explication : une temporisation de 10 minutes et une
zone d'alarme de 3 milles seulement, et un cargo peut faire plus de 3 milles en
10 minutes. Conclusion : repasser la temporisation à 3 minutes. Et réviser
ses maths. Pétole à nouveau. Fleur marine.
Entrées d'eau et sorties d'énergie. A la nuit tombante Marik concocte
un nouveau plat : patates râpées, lard, pruneaux, le tout cuit à
la vapeur et arrosé d'une sauce crème-oignons. Avec un rosé
étrange de la "Valle de la Orotava" (Tenerife) ça réjouit
bien le palais. Et en avant pour les quarts nocturnes (qui sont des moitiés
pour nous). Fin
de parcours en mer douce. Une coryphène glisse des doigts de Marie, et
avec elle un bon dîner. Le lendemain apportera une coryphène (la
même ??) qui ira, elle, jusqu'à nos assiettes. Nomade accélère
; il
sent le mouillage proche ! Des nuées de poissons volants strient l'horizon.
Les oiseaux (labbes et puffins principalement) se font de plus en plus nombreux.
Arrivée splendide à Mindelo, tandis que le soleil se lève. Mindelo
Vu du bateau c'est d'abord une petite ville faite
de cubes colorés harmonieusement disposés au fond d'une baie grandiose,
avec, sur le front de mer, des hommes, femmes, enfants, voitures qui circulent
dans un flux continuel et indolent. Le monte Cara, un mont en forme de visage,
domine tout cela d'un air impassible. A peine mouillé, nous sommmes abordés
par Rafaël qui nous propose de surveiller le bateau et l'annexe. Il est plutôt
sympathique avec sa voix cassée et son air rasta : nous ne disons ni oui
ni non.
La ville a un air moderne et actif, tout en gardant,
sauf quelques hôtels, une taille humaine. Il y a beaucoup d'incroyables
minettes, encore plus qu'aux Canaries. Cela
semble être une institution. Au point que suivant une agent de police
en uniforme à qui j'avais demandé ma route, j'ai pu la voir
dodeliner des fesses comme si elle marchait sur des talons aiguille de
10 cm de haut. Est-ce à relier au fait que l'on voit couramment
dans les mercearia (petits magasins qui font aussi bistrots), même
en pleine campagne, des affiches trés suggestives de femmes ou
de couples ? Mais au delà de ces apparences, et de l'indolence
générale, on est frappé par la gentillesse et la
richesse intérieure des gens que l'on approche. Ainsi de la serveuse
du "clube nautico" qui semble renfrognée et mélancolique
et qui répond à un simple mot sympathique par un sourire
d'une luminosité rare (et on comprend mieux
sa "mélancolie" quand on sait qu'elle gagne 100 euros
par mois dans une ville où la vie est aussi chère qu'en
France). Ainsi de José, dont je reparle un peu plus loin, et de
beaucoup d'autres. Il y a une
âme i çi,
et la morna n'est pas un vain mot.
Plusieurs
marchés sont disséminés dans la ville. Le marché municipal
est le plus étrange, avec ses sculptures de monstres marins et son échoppe
d'élixirs, dont l'un fait de vous un Einstein aux muscles ravageurs. Des
femmes, créoles pour la plupart (je n'ai vu qu'une noire) vendent
fruits, légumes et tabac sur des étalages soignés. On y discute
ferme dans une ambiance à la fois populaire et un peu guindée. Il
est placé au cur de la ville, contrairement au marché aux
poissons, qui donne sur la mer. Là ce
sont les hommes qui découpent, salent, préparent et les femmes qui
vendent. A côté, le noyau d'un deuxième marché aux
légumes étend comme des filaments dans les rues avoisinantes. Femmes
et enfants, assis, debout, proposent herbes, légumes et petits poissons
dans une a tmosphère
animée, souvent cocasse et parfois émouvante. C'est
dans le tout petit bistrot-resto du marché municipal que je me suis retrouvé,
un midi, en quête d'une cachupa, réputée excellente ici. Plus
de cachupa ! Pourtant toutes les tables sont prises et les cuillers vont bon train.
Je reluque le contenu d'un bol : c'est une sorte de soupe au riz avec des morceaux
de viande peu identifiables. J'en commande une et c'est
excellent,
même si quelques abats sont un peu mous à mon goût. Une place
se libère, et je m'asseois avec mon bol à la table de José,
qui engage tout de go, ni distant, ni importun, la conversation, comme si on se
connaissait depuis toujours. J'apprends que la cachupa ne se sert que jusqu'à
11h, et que ce que je mange s'appelle une " canja ". Que Cesaria Evora
habite à 100 m d'ici, que sa maison est ouverte à qui veut, mais
qu'elle s'est envolée pour la France il y a 15 jours. Qu'il n'aime pas
trop Herminia, dont on vient d'acheter un cd, mais qu'il préfère
à Cesaria une chanteuse qu'il a encore écoutée la veille
sur sa radio, mais dont il ne se souvient plus du nom ; et il sort sa radio de
sous son coude, en se moquant de sa mémoire, et c'est seulement à
ce moment là que je m'aperçois qu'il est en fauteuil roulant. Une
jeune femme s'installe à notre table. Ils se connaissent et discutent un
moment en riant. Je ne comprends rien. Elle a des traits fins et un air déluré
; et sous l'aisselle une touffe noire frisée qui paraît dure comme
une éponge métallique. José m'explique qu'elle est vendeuse
ici depuis 15 ans. J'offre un verre et on se quitte comme ça, amis d'un
jour. Nous voulions, bien sûr, écouter
de la musique capverdienne. Nous n'avons réussi que très modestement.
Un concert du groupe " Caboça Negra " le
premier samedi de notre séjour : la chanteuse, une capverdienne installée
en Italie, a une voix aussi énergique que Césaria, et quand elle
entonne une morna célèbre, accompagnée de son seul guitariste,
la nuit vibre pour de bon. Et quelques airs, chantés par Pedras, le deuxième
samedi, attrapés de justesse avant la fin de son tour de chant, alors que
nous errions dans les rues à la recherche de sonorités savoureuses.
Pour la saveur nous sommes servis ; sa voix comme sa posture sont à la
fois touchantes et impayables. Il faut voir ! et entendre ! Parmi les accompagnateurs
guitaristes, nous retrouvons Philippe Le Gall, notre plus proche voisin de mouillage,
sur Graal. Breton aux ancêtres mi-"coupeurs de verres", mi-"curs
salés", il a opté pour cur salé et navigue dans
les îles et leur musique depuis 8 mois. Il nous " déniaise "
un peu, mais trop tard : si la "musica" reste très vivante à
Mindelo, c'est seulement en fin de semaine. Pour ceux que ce sujet intéresse
il existe un excellent site : mindelo.info (voir liens, on y apprend en particulier
que le guitariste mindelien Bau a été choisi par Almodovar dans
Parle avec elle.) Nous avons sympathisé avec
d'autres voisin-e-s de mouillage. Véronique et Nathalie ,
qui ont tout lâché pour partir sur leur joli Trismus jaune : Dagobert.
Avec leur moral d'acier et leur profonde gentillesse on peut difficilement ne
pas les apprécier. Un peu plus loin, trois jeunes Français sur un
bateau étroit un peu bizarre, et qui nous paraissent un peu aventureux,
se révèlent mener un formidable projet social(voir le lien : passeraile).
Plus loin encore, Daniel et Catherine, partis de puis 9 ans sur le rêve
d'antilles "Trait-d'union ", sont des puits d'expérience, ainsi
que Marie et Jacques, partis " seulement " depuis 4 ans, avec leur fille
Océane. Marik se demande souvent commment ils font tous pour joindre les
deux bouts (ah, ah !), mais ce sont des secrets de marins, n'est-ce-pas ! Sur
le plan pratique, pas grand-chose à ajouter à l'Imray. Il ne semble
plus y avoir d'insécurité : nous avons laissé Nomade 3 jours
sous la seule garde des voisines, avec l'annexe à l'arrière, sans
problème. Faire garder l'annexe ne semble pas utile non plus. Bien sûr
il ne faut pas laisser traîner son portefeuille : comme partout ! On peut
faire le plein d'eau (déssalinisée) et de gazole sur un quai assez
éloigné, au sud-ouest. Il ne faut pas hésiter à filer
de la chaîne (40 m en ce nous concerne) car le vent s'est souvent levé
avec de violentes rafales de nordet. Le seul cyber-café où j'ai
pu actualiser ce site se situe dans la rue en haut et à gauche de la Lisboa.
Et le restaurant Pico Pau est bien sympa, avec ses centaines de lettres de remerciement
qui volètent au mur.
Santo
Antão Tous ceux qui reviennent de Santo
Antão sont si emballés que nous décidons de prendre à
notre tour le ferry. On part comme des voleurs, à l'aube et à la
rame ; l'annexe sera ramenée au bateau par les voisines. La traversée
sur le Ribeira do Paul (une institution ici) se fait sans encombres, par petite
houle, mais quelques passagers sont tout de même bien verts et se penchent
bizarrement par dessus bord. On trouve tout de suite un aluguer, et nous voilà
à Corva, un cratère entièrement cultivé, où
des pins siffleurs, des nuages fantomatiques, des silhouettes courbées
sur la terre et une verdure tropicale évoquent "les contes de la lune
vague après la pluie". Et pour la pluie, la chuva, on est servi ;
sitôt arrivés dans la descente v ers
Ribeira grande, c'est une mer de bruine et de blancheur opaque qui nous attend.
Après une petite hésitation, durant laquelle on savoure de toute
notre peau la fraîcheur de l'air, on emprunte le chemin empierré
(et parapeté !) qui serpente le long d'une paroi verticale qui nous paraît
d'autant plus vertigineuse qu'on n'y voit pas à 10 m ; seuls des sommets
pointus se profilent parfois dans une échancrure des nuages (comme au Machu
Picu paraît-il). Les cailloux sont glissants, on croirait presque skier
sur une pente neigeuse. En bas, changement de décor. La lumière
revenue inonde un gigantesque
eden : manguiers, bananiers, jacquiers prolifèrent à perte de vue,
avec par ci par là des retenues d'eau et des chaumières. Eden pauvre,
malheureusement : les premières habitations n'ont ni électricité,
ni route d'accés. Et si enfants et femmes paraissent délurées,
un homme, à qui je lance un "boa tarde" sympathique, ne me rend
qu'un regard triste et lourd. Plus loin une odeur suave nous attire : c'est celle
d'une "groguerie". Elle est installée sur une petite hauteur,
où nous nous hissons. Un jeune, qui parle français svp, nous montre
l'alambic et son système de refroidissement en rigole, la cabane où
sont stockés les fûts de jus fermenté et de grogue, et l'aire
où les cannes sont broyées et le jus mis à fermenter une
quinzaine de jours dans un grand bac.
On trinque et c'est fort bon. Il nous parle de son île où les gens
sont honnêtes, contrairement à Mindelo, le chicago du cap vert. Et
il nous fait le ge ste
d'un doigt qu'on coupe pour en récupérer la bague. Il trinque et
retrinque. On achète un litre, qu'on met dans une bouteille d'eau en plastique
! La descente continue, encore plus euphorique, jusqu'à
ce que des pluies diluviennes à répétition éteignent
nos ardeurs. Mes grosses chaussures pleines d'eau, on finit par s'abriter dans
une maison en construction, où le propriétaire, un capverdien de
retour chez lui aprés une longue émigration, nous prend en charge.
Il arrête un bus municipal, qui nous mène à fond la caisse
sur une route de plus en plus boueuse, à Vila das Pombas. Puis dans la
foulée un aluguer nous mène directement à notre destination
: la pension de Mme Fatima à Ponta do sol. Il était temps car une
heure plus tard la route n'était plus praticable. Il
reste une chambre qui donne sur une grande terrasse, et avec douche : le grand
luxe, pour 1800 escudos. Ayant essoré nos vêtements et vidé
tant bien que mal l'eau des chaussures, nous sortons : c'est le dernier jour d'une
fête religieuse qui en compte 3, et il y aura bal ce soir. La nuit est tombée,
mais les rues restent très animées avec des stands un peu partout,
et des odeurs de grillades ; bonnes, les cuisses de poulet ! A plusieurs reprises
nous repérons des ombres porteuses de violon, guitare et autre cavaquinho,
mais chaque fois elles disparaissent sans savoir ni où, ni comment. Par
contre un mouvement incessant de jeunes nous mènent facilement à
la salle de bal. Il est 10h et soudain une présentatrice fait une annonce,
et tout se vide. Nous attendons un peu, puis rentrons à la chambre, dépités.
Et à 11h, une musique intéressante monte dans la nuit ; mais nous
n'avons plus le courage de redescendre, d'autant que demain c'est tôt réveil
et tôt départ pour une balade réputée splendide. Nous
décidons d'aller à Corvo, aller et retour à pieds, plutôt
que de gagner Cruzinhas en aluguer et d'en revenir par le chemin côtier.
Très vite on domine la ville, qui fait assez jeu de construction, avec
ses rues bien quadrillées, son petit aéroport qui donne directement
sur
la mer, et son minuscule " hydroport ", plus petit encore que celui
de Sercq et qui abrite quelques longues barques tirées au sec. Puis nous
longeons des falaises rouges tombant en à-pics vertigineux sur la mer parfaitement
bleue. Dans la lumière lavée par les lumières torrentielles
de la veille, c'est un monde tout neuf, d'une beauté gigantesque qui nous
apparaît. Et ce n'est pas fini ; car nous arrivons dans une vallée
verdoyante, avec un village, des maisons dispersés, des chèvres
noires, des sources mieux disposées que dans le rêve le plus fou
d'île au trésor d'un enfant rêveur. Et à l'entrée
de Fontainhas, un papayer avec une papaye, toute seule et bien mûre sur
le tronc, comme le fruit défendu de l'Eden. Nous
nous arrêtons chez une dame, dans une courette ombragée, pour boire.
Puis nous repartons pour Corvo qui se trouve dans la vallée suivante. Ca
monte, la lumière est plus lourde, et notre marche aussi. En haut, un roc
se dresse comme un grand mur de maison en ruines. La descente est facile, d'autant
que de l'eau suinte des parois rocheuses et coule dans le fond du val. Un homme
nous dépasse à toute allure ; il est pieds nus, sur des pierres
qui ne sont vraiment pas des galets, et nous laisse interloqués.
|  | Des
chèvres noires ... | Le
village, Corvo, est aussi vert, mais plus labyrinthique encore que Fontainhas.
Nous descendons jusqu'à la mer, et nous y trouvons de la fraîcheur,
bien que rouleaux et rochers empêchent toute baignade. |
La remontée est franchement dure, et Marie-Christine qui n'a pas de chapeau
et à qui je propose ma casquette un peu tard, atteint une couleur presqu'aussi
rouge que celle des libellules que l'on peut voir par ici. En haut, nous retrouvons
le coureur, assis en lotus, en pleine méditation, et nous nous posons près
de lui sans qu'il bouge un cil. On dirait Milarepa ; et c'est vrai que seuls les
pieds d'un moine magicien du Tibet peuvent voler comme ça au dessus des
cailloux. Nous croisons des femmes portant de lourdes charges sur la tête,
autre forme de sport ! (on ne peut aller à Corvo qu'à la marche).
|  | et
des libellules rouges. |
A Fontainhas nous retournons chez notre dame ; nous sommes
de vieilles connaissances, n'est-ce-pas ? et nous commençons à parler.
Miracle, bien qu'elle ne parle qu'en portugais, nous arrivons à la comprendre
et à tenir une conversation : elle a 8 enfants, dont un à Lisbonne
et une autre à Marseille. Et elle rentre de Marseille justement, où
elle est restée 45 jours. Elle nous détaille son voyage, et elle
en est encore éblouie : aussi belle que soit sa vallée, cela ne
suffit pas. Au retour sur Ponta do Sol, les falaises sont toujours aussi
impressionnantes, mais la lumière trop crue a rompu l'enchantement. Nous
sommes contents de retrouver notre chambre, puis de faire un copieux dîner,
avec de délicieux légumes mijotés par Mme Fatima; |
Sao
Nicolau et Boa Vista Après
Santo Antao, nous restons encore quelques jours à Mindelo et partons pour
Boa Vista (120 milles). Comme souvent, nous traînons un peu et le départ
se fait un peu tard dans la journée. Après une nuit en mer, nous
savons qu'on ne pourra arriver à Boa Vista avant la nuit, ce qui ne nous
plaît pas trop, l'île est réputée pour être un
cimetière de bateau ; peut-être est ce dû aux erreurs magnétiques
connues dans ce secteur. Un navire espagnol d'exploration des zones de pêche
a coulé devant le port de Sal Rei quelques semaines auparavant et nous
ne tenons pas à être le suivant. Nous sommes à ce moment devant
Sao Nicolau et, vu le beau temps, décidons de mouiller pour la journée
devant le petit port de pêche de Carachal à la pointe Sud-est de
l'île. Cachée derrière les collines arides, la baie est minuscule,
entourée de rochers, avec une petite plage bordée de palmiers.
A peine arrivés, deux nageurs viennent nous saluer. Manuel, qui est pêcheur
et Luis, qui habite Mindelo et est en vacances dans le village. Heureusement,
Luis parle couramment espagnol pour avoir fait ses études à Cuba
et la conversation peut se faire autrement que par gestes, d'autant plus que chaque
île a son créole et que le portuguais n'est pas la langue parlée. Carachal
estcomplètement isolée, seule une piste la relie aux autres parties
de l'île, pas de voitures personnelles, pas de boutiques sinon quelques
mercearias mais ... un dancing, à la façade vert pétant et
qui distille de la musique disco à fond les décibels dés
le crépuscule. Nous qui pensions qu'enfin, dans ce lieu authentique, nous
allions entendre au coin d'une rue quelques airs de mornas ou de coladeiras !
Pendant
notre balade dans le village, un bruit nous intrigue et nous mène vers
un terrain de sport bétonné, face à la mer. Des enfants sont
en train de mener une partie endiablée de
hockey, avec comme patins des bouteilles plastiques de coca écrasées.
Dans les rues, c'est visiblement l'heure de la détente, les hommes sont
au bistro ou discutent entre eux sur les pas de porte et les femmes sont installées
dehors à jouer aux cartes ou à faire des tresses dans les cheveux
des fillettes. J'ai l'impression de débarquer sur une autre planète.
C'est tellement différent de Mindelo. Les maisons sont plus que simples,
pas de meubles, la cuisine se fait dehors sur des braseros, et à la nuit
tombée, tout devient noir et nous n'avons plus qu'à rentrer au bateau.
Carachal nous plaît et nous décidons de rester quelques jours ici.
Le
lendemain, lever à l'aube pour aller découvrir la vallée.
Un ruisseau bordé de petits jardins coule faiblement et nous ne rencontrerons
pas âme qui vive. Le contraste est saisissant
avec Santo Antao où chaque parcelle regorgeait de plantations. Le fond
de la vallée est plein de palmiers dattiers, malheureusement les dattes
ne sont pas mûres, elles sont grosses mais encore jaunes et ont le goût
rapeux des prunelles. Je vois mon premeir baobab à côté d'un
magnifique dragonnier. A
notre retour, les pêcheurs sont en train de pêcher à la senne
(on dit comme ça je crois ?) dans la baie. Ca crie et s'agite, les enfants
tapent dans l'eau pour empêcher les poissons de quitter le filet. La pêche
est bonne et atterrit dans une nasse flottante. Ce sont des leurres qui serviront
à toute la communauté des pêcheurs pour la pêche au
gros. Manuel nous en donne un plein sac qui terminera en une délicieuse
friture.
Après
Mindelo et sa baie aux eaux troubles, cela fait du bien de pouvoir se baigner.
La température extérieure avoisine les 30° et l'eau, pourtant
chaude, est un vrai bain de fraîcheur. En plus, les fonds sont superbes,
poissons perroquets, girelles, poissons trompette et bataillons de poissons multicolores
dont je ne connais pas le nom. Il ne manque que les langoustes dont on ne voit
toujours pas la couleur alors qu'elles abondent au cap vert d'après ce
qu'on a pu entendre dire. Il parait aussi qu'il y a pleins de requins, des gentils
et des plus méchants. Le lendemain, un pêcheur débarque le
produit de sa pêche sur les rochers, thons, coryphènes, brochets
de mer sous l'oeil attentif des femmes. Je veux acheter un garupa, sorte de petit
mérou tout rouge à pois bleus, la femme ne veut pas que je paye
et, juste avant notre départ, Manuel revient de la pêche et nous
en offre un autre. Court bouillon pour l'un, à l'étouffée
pour l'autre, c'est ma foi délicieux et vu nos exploits en pêche
sous-marine ou en pêche à la ligne, il sont les bienvenus. Départ
au crépuscule. Pierre lève l'ancre et j'entend tout d'un coup un
boucan de tous les diables ; c'est la chaîne qui a sauté du guindeau
et tout redescend à l'eau. J'en suis quitte pour une grosse frayeur en
voyant Pierre essayer de freiner la chaîne avec son pied. Nous
quittons avec nostalgie ce village qui se meurt tout doucement depuis que la conserverie
a fermé ses portes. Nous
arrivons, comme d'habitude au petit jour, à Sal Rei "Sel Roi"
sur l'île de Boa Vista. La baie est immense, entourée d'une plage
de sable blanc immaculé. Deux bateaux sont au mouillage mais ils partent
dans la journée, du coup, on se sent un peu isolés, tous seuls dans
cette grande étendue et à 15 min en annexe du port. L'atmosphère
est curieuse. D'un côté, des hotels tenus essentiellement par des
italiens et de l'autre, le village où les femmes frottent le linge sur
la planche à laver. Comme c'est le WE, pas d'aluguer pour sortir de Sal
Rei. On essaie une ballade à pied jusqu'à la praia de atalanta sur
la côte nord pour voir le Cabo Santa Maria, un vapeur qui a coulé
sur la plage en 1968. Manque de bol, après une marche en plein soleil au
milieu d'anciennes salines, nous atterissons trop à l'ouest. Tant pis pour
le vapeur ... Finalement, nous ne verrons pas grand chose, et les seuls moments
vraiment sympas seront une soirée passée avec des capverdiens avec
chants et guitare en alternance avec un match de foot à la télé,
et une incursion, le dimanche matin, dans une église où les paroissiens
chantent des cantiques sur des rythmes....endiablés ! Ceux
ou ce qu'on aurait pu voir : le padre français de l'île qui tient
une papeterie à Sal Rei, l'éclosion de tortues sur la praia de Santa
Monica, la frégate rarissime, visible seulement sur l'îlot de Curral
Velho, le festival de mornas qui avait lieu le WE précédent.
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