Marik

et   Pierre

Kermaria

   Nomade

 

Paimpol Madère Canaries Sénégal Cabo verde Petites Antilles Cuba Yucatan Açores Paimpol 2003-2004











 

 

 



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11. Cuba (février 2004)

Los Jardines de la Reina 
   30 janvier, on quitte à regret les trois jeunes compères de Haïti qui nous font promettre de revenir avec des vélos.
    Pas l'ombre d'un pirate dans le passage entre la Jamaïque et Haïti et ce sont 3,5 jours de belle navigation sous génois et solent, avec quelques moments de calme plat, faut pas exagérer quand même. En fin de traversée, le vent nous apporte une délicieuse odeur de résine. L'archipel des " Jardines de la Reina " est sur notre route, nous décidons d'aller l'explorer en prévision du séjour prévu avec Didier (mon frère pour tout vous dire), Isabelle, Max et Germain.
    Après une entrée par la passe sud un peu trop en rase corail (il vaut mieux prendre la passe nord), les îles se révèlent décevantes. Pas un chat sinon un bateau de plongée et quelques pêcheurs, et de la mangrove partout. Où sont les plages de sable blanc et les plongées dans les coraux ? On en trouve quand même un peu au bout d'une heure d'annexe.
    Les pêcheurs nous apportent trois belles queues de langouste et nous proposent un énorme vivanneau que l'on troque contre casquette et bière. On a à manger pour trois jours, plus besoin de pêcher.
    On explore encore Cayo Alcatracito qui correspond mieux à l'image qu'on se faisait de l'archipel. Le temps de plonger dans les coraux, un peu ternes mais bourrés de poissons de toutes les couleurs, et nous voilà partis pour Casilda car on doit quand même entrer officiellement à Cuba. Après une nuit agitée où le vent force 7-8 nous surprend, la guardia nous refoule manu militari de Casilda qui, nous avions des doutes mais maintenant, c'est une certitude, n'est pas un port d'entrée international et il nous faut aller à Cienfuegos, à 40 milles de là.

Cienfuegos    
     L'accueil y est sympathique, et l'armada des officiels, après s'être déchaussés se serre et transpire dans le carré ; douane, capitainerie, immigration, vétérinaire, santé. Après une inspection sommaire, ils refuseront en tout et pour tout le saucisson et le gruyère d'importation française. On devrait payer une taxe, ils mettent alors la nourriture dans un sac scellé et ils nous la redonnent à la sortie. Devant l'absurdité de la chose, la Señorita vétérinaire nous les laisse en nous faisant promettre de les manger dans le jour qui suit.
Finalement, on ne regrettera pas nos premiers pas sur Cuba à travers la ville de Cienfuegos qui possède une splendeur passée avec ses maisons coloniales, ses arcades, ses rocking-chair devant toutes les maisons aux pièces en enfilade et pleines de beaux meubles, et ses belles américaines comme sur les photos.
    On comprend assez vite le système monétaire ; il faut des pesos et là, la vie est bon marché. Le circuit touristique, lui, ne connaît que le dollar. Pour les futures virées dans la jungle, Pierre trouve une machette dans un magasin d'état à 10 pesos (= 30 cts d'€) et le marché quotidien est bien plus fourni qu'on pouvait l'imaginer. La ville offre un étonnant mélange d'activité et de nonchalance. On remonte le Malecón en calèche, taxi local, pour rejoindre la marina.
    En me baladant dans le quartier, je trouve Javier, qui nous propose de nous emmener dans sa voiture visiter le jardin botanique. Ceux qui peuvent proposent comme ça des services officieux aux touristes pour arrondir les fins de mois. Tout le monde travaille mais les payes tournent entre 250 et 600 pesos, ce qui permet d'acheter le minimum dans les magasins d'état avec la livreta (carnet de rationnement) mais pas plus. En fait, beaucoup d'entre eux cherchent à travailler dans les circuits touristiques où les gains sont plus intéressants. Le même Javier se débrouillera pour nous remplir notre bouteille de gaz, chose qu'on n'aurait jamais pu faire seuls puisque ici, c'est du propane. On ne comprend pas tout mais ça brûle bien.
    La casa de la musica nous offre " ron " à gogo et danse à pleines paluches, sur fond de disco. Je serai même invitée par un " drag queen " tout de blanc vêtu pendant que Pierre est récupéré par sa copine, une black pétillante. Cuba ressemble bien à l'image que je pouvais m'en faire.

Trinidad
    
On retrouve Didier and co avec joie et on quitte Cienfuegos pour Cayo Blanco. On n'avait pas prévu une mer peu indulgente pour les novices et devant la blancheur de certains visages, on décide de s'arrêter dans une baie entre les deux ports. Pendant qu'on est sur la plage, la guardia tourne longuement autour du bateau puis vient nous dire de remonter l'annexe et s'assure qu'on va quitter le lieu rapidement. Après, ce sera une série de petites tracasseries administratives car si Cuba s'ouvre au tourisme, celui-ci doit rester sur des sentiers balisés et il n'est pas question d'aller où on veut quand on a un bateau, d'ici à ce qu'on embarque quelques cubains pour Miami, déjà qu'on a du mal à avoir des visas pour les Etats-Unis pour nous….. Enfin, ce sera le seul désagrément avec les autorités, ce qui n'est vraiment pas tragique.
    A Cayo Blanco, on fera un peu de snorkeling et une fois les bateaux qui transportent lestouristes des hôtels partis, l'île est un petit paradis. La machette permettra à Pierre et Germain de cueillir et éplucher les noix de coco qui pullulent sur l'île et le lendemain, on mouille à la " marina " de Casilda, qui se trouve à 15 km de Trinidad.
    La marina est, comme celle de Cienfuegos, en partie occupée par les voiliers de location et c'est un défilé permanent d'équipages (à échelle réduite par rapport à la Martinique et la Guadeloupe).
    Trinidad est beaucoup plus touristique que Cienfuegos mais avec plus de charme encore et dans ses rues pavées résonne partout de la musique. En s'éloignant un peu du centre, la vie s'écoule tranquillement, joueurs de dominos installés dans la rue, femmes assises derrière les grilles des fenêtres ou debout sur les pas des portes, enfants qui jouent au hockey.     Dans tous les cafés, des groupes se produisent et on écoutera plusieurs concerts de musique cubaine, avec un plaisir toujours renouvelé (mais c'est le Septeto Son de Cuba qui nous a le plus charmé). La casa de la Trova, par contre, se révèle un peu triste ou alors, on n'y est pas allé au bon moment. On a beaucoup de propositions dans la rue pour se loger ou pour aller manger dans des " casas particulares ". On se retrouve comme ça un soir à dîner tous les six chez une dame dont j'ai oublié le nom, avec canchanchara miel, citron vert, glace et ron en apéro puis calamars et langouste au menu. Et cette dame avait une telle pêche qu'on s'est tous retrouvés en train de danser salsa et cha-cha-cha dans sa petite pièce. On a terminé la soirée à la casa de la Musica, haut lieu de la salsa mais là, on a besoin d'encore un peu d'entraînement pour rivaliser avec les couples cubains qui semblent être des vrais pro.
    Autour de Trinidad, on ira traîner nos pieds dans la vallée de los ingenios, où se cultive la canne à sucre. On se fait une frayeur en se retrouvant au milieu d'un pont au moment où le train vapeur arrive et pendant qu'on court, Didier et moi, devant le train, Isabelle se retrouve accrochée à une des piles du pont (il n'allait pas très vite, j'en conviens mais quand même, les peurs ne sont pas toujours très rationnelles). On passera un moment super dans une hacienda à écouter un groupe de musique traditionnelle accompagné d'une danseuse et là encore, on est sollicités, Pierre pour jouer des maracas et nous pour danser.
On se fait une jolie ballade aussi à Topes de Collantes dans la sierra de l'Escambray. Le chemin traverse une végétation luxuriante avant d'atteindre une cascade où les plus courageux se baigneront.
    Après le départ de Didier and co (je n'ai pas pu m'empêcher de verser ma larme, j'ai dû être pleureuse dansune autre vie) j'irai voir Mireya, une copine d'Annarita, qui me donne un petit cours de salsa, " suave, suave " me répète t-elle pendant que Pierre prend des cours de guitare, " suave suave " lui répète son prof.

Cayos de Dios
    Avant de quitter Casilda, on essaye d'envoyer, sans succès, un mél groupé pour annoncer la mise à jour du site par Didier puis Carlos, le responsable officiel de la marina, vient signer le despacho … et demande des revues coquines. (la revue " photo " qu'on lui a proposé n'a pas eu l'air de le satisfaire et c'est là qu'on a compris ce qu'il demandait). Pas de vent jusqu'à minuit, puis il se lève de l'est et je déroule le génois : silence ; et toujours l'odeur délicieuse de Cuba.
    On arrive aux Cayos de Dios par le S. E. L'eau est d'émeraude, mais trop agitée au mouillage du N. E., et on finit par jeter l'ancre à celui du S. O., par 5m de fond. On découvre, sur la plage de sable blanc et fin, des bataillons de bernard-l'ermite et une multitude de têtes de langouste, certaines énormes. La mer, au sud des récifs, s'agite beaucoup mais nous sommes à l'abri et notre soirée s'écoule entre soleil rouge, boulange, porc au curry et salsa.
    Un voilier suisse, Wind Song, avec une imposante sous-barbe, mouille non loin de nous ; à son bord, Eric et Catherine qui nous donnent de précieuses indications sur les coins à " snorkeler ". Effectivement la taille des coraux et la variété des poissons nous émerveillent, malgré un fort clapot. Je tire deux perroquets pour le dîner. A la tombée du jour, un trimaran léger et diaboliquement évolutif, mouille entre Nomade et Wind Song. Une revigorante journée.

Cayo Largo   
    Le lendemain matin, Eric vient nous prévenir qu'un norther arrive et qu'il ne faut pas rester là par fort vent de S. O. Sympa. On sort du récif par la première passe sud. Le vent est déjà S. O. et on se dépêche pour arriver à Cayo Largo avant la nuit, dans une mer formée. On mouille vers la playa Sirena à coté d'un cata " trompettiste " et de 2 autres sloops dont Wind Song ; le trimaran arrivera dans la nuit, nuit pendant laquelle on dérivera de 200m, sans bobo pour Nomade, mais pas pour notre sommeil. Le bout de la dérive est tout de même bien décapé !
    Formalités rapides, pendant lesquelles on se fait confirmer, par écrit, que Maria la Gorda est bien un port d'entrée sortie international (avec Santiago, Cienfuegos et Cayo Largo au sud, marina Hemingway, Varadero et Holguin au nord).
    On a le temps de discuter un peu avec les Suisses Eric et Catherine, qui sont venus prendre la météo, sans succés, sur le ouèbe et qui repartent sur le champ pour les Cayos de Dios, leurs îles préférées dans les Canarreos. Ils s'en vont sur la foi d'une météo donnée par Ted, un anglais du ponton, car il n'existe pas de liaison internet ici, sauf épisodiquement dans un des hôtels éloignés (Sol Cayo Largo ?). Ils ont acheté leur bateau à Rio Dulce. Depuis ils naviguent dans les Caraïbes. La forte sous barbe que j'admirais a cédé à l'une de ses attaches lors d'une tempête au large du Belize.
    Superbe palme masque tuba vers cayo Hijo de los Ballenatos : raie pastenague américaine, balistes royal et noir, perroquets feu, labres capitaine, grogneurs à lignes bleues etc. Marik me montre un requin nourrice qui reste à l'affût sous un rocher. Je pêche à nouveau des perroquets, mais la chair nous en parait moins savoureuse que les autres fois et on craint la ciguatera.
    Des canadiens croisés à la marina de Casilda, et qui avaient besoin des règles du jeu d'échecs pour un devoir de leur fille, nous avaient parlé d'un hôtel où il suffisait de demander pour être servi. Effectivement, au bout d'une bonne heure de marche, nous avons trouvé Sol Cayo Largo où le buffet est impressionnant, autant que le choix des cocktails, cubains caraïbes ou internationaux. Rien n'est mauvais, rien n'est vraiment bon non plus à part le pain et le fromage. Et je mange deux bouchées de trop, parce que c'est gratis, à 60 berges quand même ! Un peu dur le retour à la lampe de poche, mais au moins je brûle un peu de mes calories en excès !
    Retour à la marina, pour faire tamponner le despacho, et renouveler les visas ; mais il faut des timbres ; et on est samedi ; et la banque qui ferme le week end ; et l'officier qui est pris à l'aeropuerto toute la journée. " Mañana quizas ". Effectivement tout s'arrangera le lendemain ; à Cuba tout est difficile mais rien n'est impossible. Surtout avec le sourire.
    On profite du contretemps pour retourner aux Ballanatos. Je pêche un Capitaine, chair fine, délicate et savoureuse et un grogneur qu'on remet à l'eau dans le doute, mais qui, renseignement pris, est tout à fait comestible. Marik commence à bien connaître son monde de poissons coralliens. Et rentre au bateau surveiller pain et pizza de temps en temps ! Rentrée au mouillage extérieur de la Sirena : ça souffle gentiment, et on est le seul voilier ce soir (cela pourrait faire un joli titre de chanson, n'est-il pas ?).
    Retour à la marina (cela devient une litanie) : l'officier de l'immigration est à l'aéroport et j'y vais à pieds. Marik discute poissons avec Alain, un canadien qui a monté, difficilement, une société de location de voiliers, ici, à Cayo Largo. Départ tardif, vers 13h, pour Rosario. Heureusement un vent d'est soutenu (20 25 nœuds) nous permet d'embouquer la passe étroite avec suffisamment de lumière. Nuit agitée, mais aérée, heureuse. Heureux d'avoir quitté Cayo Largo, délocalisé, hétérotopique, quasi sinistre, malgré la clarté de son eau et la finesse incroyable de son sable blanc comme de la neige.

Cayos Rosario et Cantiles
    Vent lancinant, hypnotisant. On se sent bien seul dans cette grande étendue d'eau cernée seulement de mangroves et de brisants. Et la vigueur des coups de balai d'Eole lasse. Et on n'est pas plus rassuré que cela quand un bateau de pêche vient s'amarrer à Nomade pour échanger 4 grosses langoustes contre ron et café.
    Une météo fiable, permettant de prévoir les northers (ou nortes) serait la bienvenue. Alors j'écoute et réécoute à la BLU les bulletins de NMN, en essayant de repérer les zones, qui défilent à toute allure. Et quand je parviens à détecter celle du golfe du Mexique, et, entre deux borborygmes, à reconnaître le mot " "east ", corroboré par un " 81 to 83° West ", je suis aux anges. Bonsoir perfect Paul ; c'est ainsi qu'on désigne la voix synthétique qui diffuse les bulletins ; et c'est ainsi j'apprends que ça soufflera jusqu'à samedi, du pur alizé d'est, boosté par un anticyclone sur le sud des Etats-unis.
    Rechignant à se mettre à l'eau dans des récifs trop tumultueux on va visiter la réserve de singes de Cayo Cantiles. Et voilà que je fais enfin connaissance avec le singe vert (son petit ou arrière petit fils) dont je racontais les aventures à mes filles chéries, le soir, pour qu'elles s'endorment vers de beaux rêves ; un grand bonheur. Trois hommes gardent la réserve : l'un d'eux nous fait faire le tour de la caye et nous montre des traces de pattes de crocodiles ; un autre donne du lait à une sorte de petit ragondin qui a perdu sa maman ; et le troisième fait très desperado du grand Ouest. Ils nous ouvrent des noix de coco presque écœurantes, tant elles sont jeunes. On leur donne des bières et une casquette qui se retrouve vite fait sur la tête du papa du ragondin. Le retour en annexe, contre le vent et à la pagaie, est dur juste comme il faut pour endurcir le marin.
    Le soir on retrouve le trimaran, et on fait un peu mieux connaissance avec son propriétaire allemand : Marcus. Il a construit son bateau, Archéopterix, qui ne pèse que 2 tonnes, il y a quatre ans, avec sa femme. Deux ans de méditerranée, puis les Caraïbes.
Demain, patates (de corail !!)
    Mais on ne trouvera pas de patates, seulement 4 queues de langouste et un pargo (vivaneau) donnés par des pêcheurs bossant dans le coin. Les tensions coexistentielles atteignent un pic dans Nomade ; alors on fait fonctionner la meilleure pompe d'évacuation : la parole. Et bonne nuit.
    Au matin, on apprend d'Eric, qui arrive de Cayos de Dios, à décortiquer les lambis. Ca souffle encore dur et on va nager autour d'un caillou. J'attrape un capitaine et un pargo.

La Coloma
    Wind Song démarre une heure avant nous. Bon vent, bonne nav, même si naviguer en permanence dans 3 à 5m d'eau fait bizarre ; en route on croise des milliers d'oiseaux. Le soir on retrouve Wind Song qui se fait piloter par des pêcheurs dans la " pasa de Santa Cruz ". On les suit, dans une lumière resplendissante. Puis ils vont mouiller non loin de là et nos routes se séparent sans doute définitivement.
    L'arrivée à La Coloma se fait en douceur. Après des formalités simples, on est pris sous la coupe de " Boca del Toro ", un bateau officiel de plongée, unique à Cuba parait-il, et propriété de Guillermo Garcia, troisième personnage du gouvernement révolutionnaire de Fidel. On est le seul bateau de passage et on nous chouchoute : on se retrouve ainsi à dîner en présence du capitan, Papo, du mécano, pété, et du cuisinier plongeur (ah, ah !) José, dit Chino, qui nous propose un peu dans les chaleurs du ron, de nous héberger chez lui, à Pinar del Rio.
    La ville est essentiellement constituée d'une rue sans fin et de quelques HLM. Pourtant les gens y sont merveilleusement accueillants : ainsi de ce vieux monsieur qui nous invite à boire le café chez lui, comme ça ; et qui quand on arrive, s'est mis sur son 31, avec sa sœur et son beau-frère. Ils nous montrent des photos de famille et surtout des journaux où l'on voit leur père retrouver en Espagne, après 50 ans passés à Cuba, son amour de jeunesse. Ainsi de cette femme qu'on a rencontrée sur le " "Boca del Toro " et qui nous invite, comme ça, dans son HLM, d'où l'on repart les bras chargés d'oranges.
    On reparle à José de sa proposition ; il semble un peu gêné, mais dit qu'il va arranger çaavec sa femme. Et effectivement quand on rentre après un dîner étonnant dans un resto d'état (27 pesos 60 pour nous deux, avec du porc mais sans boissons) rendez vous est pris pour prendre ensemble la " guagua ", bus national, le lendemain matin à 8h.

Pinar del Rio
    Le bus coûte un peso, pour 24 km, mais à moins de posséder une carte de grand invalide, peu de chance de s'asseoir. Sur la route le chauffeur évite comme il peut vélos et voitures à cheval. La campagne défile, assez belle, avec ses champs de tabac, de maïs et de riz, jusqu'à la ville, très animée.
    La maison de José, qui est en fait celle de sa copine Maytée, est toute en longueur, comme la plupart des logements cubains qu'on a pu voir. Un couloir dessert salon, chambre, salle d'eau, chambre, salle à manger et cuisine d'un côté et une courette de l'autre, avec un escalier en fer qui mène on ne sait pas bien où. Nous sommes accueillis comme de vieux amis et on nous installe au milieu, dans la chambre de la fille de Maytée : Maytée-Lise. L'eau est coupée et José dit plaisamment qu'il va téléphoner à Fidel. Vivent aussi, sous le même toit, les parents de Maytée : le père est très cultivé, très drôle aussi par moments ; la mère vraiment charmante. On visionne la fête monstrueuse des 15 ans de Mayté-Lise, une institution ici à Cuba, et qui n'a pas d'équivalent pour les garçons ; heureusement car cela coûte une fortune. Et tout se passe comme sur des roulettes espagnoles. Les hommes font la cuisine et on parle toute la soirée dans une bonne humeur générale. Notre façon de prononcer malonga au lieu de malaaannnga les fait en particulier beaucoup rire : il faut dire que dans le premier cas il s'agit d'une zigounette et dans le second d'un légume proche de la papa (patate).
    Le lendemain, l'eau n'est toujours pas revenue et la toilette devient toilette de chat. On discute avec le grand-père, qui nous montre son carnet de rationnement (livreta) : 800g de viande, tant de sel, d'œufs, tomates etc. par mois, à des prix de l'ordre du peso (4 centimes d'euro). Le café est composé à 50% de vrai café et tout n'est pas toujours disponible dans les magasins d'état, mais c'est presque gratuit, presque seulement quand on sait qu'un salaire moyen se monte à 400 pesos. Il nous pose des questions sur rien et sur tout, sur l'histoire de la Bretagne, par exemple, et la date de son rattachement à la France !
    On visite la ville, le spectacle est surtout dans la rue, et on ramène quelques victuailles qui, mitonnées par José, vont faire un bon dîner : porc grillé, riz aux haricots noirs, turrón et … ron. Puis on ira dans un café dansant, sans le moindre touriste, et avec des couples qui dansent magnifiquement la salsa. On se croirait dans Buenvista Social Club, en vrai. Un vieux monsieur, en particulier, qui virevolte en gardant les fesses constamment en arrière, et qui porte une casquette écossaise et des grosses lunettes de soleil vertes.

Viñales
    C'est Omar, un ami de José, qui nous emmène à Viñales dans sa petite Toyota, qui a fait2 millions de kilomètres, dit-il en riant. A peine sorti de la ville, un policier monté sur une moto flambant neuve, lui dresse un PV (une " multa " de 5 pesos) car il s'est retourné pour nous parler, et c'est dangereux ; quand on voit l'état général des voitures ! Cela ne lui enlève ni sa faconde, ni sa bonne humeur et, après un petit arrêt panoramique, on arrive chez Yolanda, une amie à lui, qui nous loue une chambre.
    José reste avec nous pour nous guider : un camion s'arrête, on saute dedans pour arriver au départ d'une superbe balade au milieu de champs de tabac, de mogotes (sorte de pains de sucre recouverts de végétation, qui ressemblent aux montagnes des peintres chinois) et de secaderos, hangars en forme de prismes triangulaires recouverts de feuilles de palmier, qui servent au séchage des feuilles dont on fera les fameux cigares. La terre est rouge, un peu comme dans les vignes de Bourgogne, mais sans cailloux. Il n'y a plus de route, seulement des petits sentiers où l'on se perdrait vite sans la présence de José. Au bout de 2 heures de marche parmi des paysages splendides on arrive à une maison habitée par des " Atlanticos ", une sorte de secte qui ne se soigne que par l'eau. Une dame accueillante nous offre, dans sa jolie maison de bois, blanche et bleue, très dépouillée, un verre d'eau, pure bien sûr, mais aussi un café.     En passant devant un secadero particulièrement beau, on rencontre une femme en train de ranger méticuleusement des feuilles de tabac. Elle nous tient un long discours sur le bien fondé de la politique de Fidel et on a l'impression qu'elle le récite par cœur, jusqu'au moment où elle parle d'elle, des douze ans qu'elle avait à la révolution, et du bouleversement que cela a provoqué dans sa vie de paysanne et de femme. Et cela devient très émouvant. José, pour sa part, se montre plutôt agacé.
    Arrivés à la fin de la balade, les pieds en marmelade, ô bonheur, un camion repartait pour Viñales. On mange un morceau, puis José repart pour Pinar dans une superbe voiture rétro toute jaune. Le soir on mange chez Yolanda des tamales et des légumes exquis ; notre meilleur repas depuis notre arrivée à Cuba. En plus le courant est coupé et on fait un dîner aux chandelles " muy romantico ".
    Superbe balade en vélo jusqu'à la cueva de los Indios, que l'on ne visite pas (c'est 27 fois plus cher pour les touristes, 5 pesos, 5 dollars, il ne faut tout de même pas charrier). La terre est magnifiquement rouge et fertile, et le printemps, qui se sent à travers le vert tendre des feuilles et la légèreté de l'air, donne à l'ensemble un petit parfum de paradis.     On s'arrête dans une école primaire, où les institutrices nous invitent à discuter. Tous les enfants, ici, ont été sélectionnés pour leur intelligence (comme dans le lycée de Mayté-Lise !). Les bâtiments sont très jolis et donnent envie d'étudier ; et les enfants travaillent avec une attention et un calme remarquables. Il y a tout de même des problèmes d'intendance, et le salaire est beaucoup moins gros que le travail à fournir. Adios escuela " Isabel Rubio " (une révolutionnaire de la région).
    Anniversario feliz, Morgane. J'ai la communication sans problème mais je voudrais en dire 10 fois plus.
    Vers 4h Omar est là. Il a le nez sous le capot car de l'eau rentre dans les cylindres. Effectivement, au retour, ça se met à fumer dans la voiture et on entend une bougie sauter comme un bouchon de champagne. No problema : Omar change la bougie et son support, qui est brûlé. Et ça repart : chapeau ! (à Cuba, si on n'est pas doué pour la mécanique, il vaut mieux ne pas posséder de voiture). Dîner chez José, suivi d'une séance de feuilleton télé.
    Dernier jour à Pinar : j'achète quelques bons livres pour une poignée de pesos (le choix est restreint mais c'est vraiment donné). Marik rapporte du marché du maïs frais que José malaxe et fait frire. Déjeuner copieux, sans Mayté malheureusement, car elle travaille. Retour à La Coloma en taxi collectif, avec la nostalgie d'une belle page tournée.
    Le bateau est en ordre, à part une écoute de génois qui a été coupée et dont il ne reste que quelques mètres. Ce n'est pas un drame dans la mesure où on en a une de rechange.
    Adieux chaleureux de la part de l'équipage de la " Boca del Toro ", en particulier du mécano et de Papo, le capitaine, qui nous offre une carte marine.

Maria la Gorda

    Pas de vent, puis bonne nav, vent arrière, jusqu'aux eaux cristallines de Maria la Gorda. La guardia arrive sous la forme d'un charmant jeune homme, qui expédie les formalités. A terre tout tourne autour d'un unique hôtel, simple et discret du reste. On y a acheté du beurre et quelques autres denrées.
    L'eau est la plus claire de toutes celles que j'ai pu voir aux Caraïbes ou ailleurs : on distingue l'ancre à 20m. Et il suffit de nager 50m pour se retrouver parmi les coraux et des centaines de poissons de toutes sortes (anges, carangues, grogneurs, gros yeux, perroquets, balistes etc.). Le dîner ne posera pas de problème ! Pas de problème non plus pour examiner la coque, et je constate que l'axe de l'hélice présente un peu trop de jeu. A surveiller.
    Le soir on est invité sur September Song, un voilier états-unien haut de gamme. A bord, Alain, un français, Sabrina, sa femme, états-unienne de Chicago, et Ted un anglais, l'homme à la météo qu'on avait vu à Cayo Largo. Un trio à la fois étonnant et sympathique : Alain a décidé d'acheter un voilier il y a 2 ans, sans aucune expérience de la mer; il a alors rencontré Ted qui lui a appris à naviguer en devenant son ami. Il travaille, épisodiquement, dans l'informatique pétrolière où il doit gagner gros. Les discussions bilingues vont bon train dans le carré cossu : Ted connaît la côte nord de la Bretagne comme sa poche : il boit sec et dit que s'il est alcoholic, Alain et Sabrina sont chocolatic ! Je repars avec un autre logiciel de décodage météo, que j'essaye sitôt rentré : et ça marche (le slant est beaucoup plus facile à régler qu'avec JVComm32). Merci Alain.
    Un nouveau voilier arrive : Sashay. On dirait qu'il arbore un drapeau breton. Sur le pont un homme me fait des signes pour que je branche ma VHF ; il m'appelle, se présente, Bruno, et me demande une météo ; ça tombe bien, j'ai des cartes toutes fraîches. Et il nous invite à boire un café. On ira vers 5h, et on repartira à minuit ! Sept heures à discuter de tout et de rien avec Bruno et Olga, sans voir le temps passer. On est bien, voilà tout. Il faut dire que Bruno est cuisto à Key West, et qu'il a ouvert en grand son armoire à épices pour nous mitonner des spaghettis. Il travaille aux U.S.A. depuis longtemps, mais il est Rennais, d'où le drapeau breton. Elle, est de Montpellier, et sort doucement d'une malaria attrapée aux Honduras et tardivement soignée à Cienfuegos.
    On fait beaucoup de snorkeling. Marik y ajoute deux plongées sur des tombants, où elle voit un " porc-épic " avec un poisson collé à lui dos à dos (une sorte de poisson fakir, en somme).
    Sashay est parti dans la nuit pour La Havane. A 8 heures on voit les voiles de September Song disparaître sous l'horizon, en direction du Mexique. Marcus apparaît un peu plus tard sur son fougueux trimaran. Notre départ pour le Guatemala est fixé au lendemain matin.