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| | 8.
Tobago (décembre
2003)
Scarborough Le
port est mieux abrité que ne le laissait penser la carte. La ville, très
colorée pour ne pas
dire bariolée, ne ressemble à rien de ce que l'on a vu jusqu'ici.
Et les habitants, têtes, corps, habits, sont d'une diversité fantastique.
Comme ces deux écolières, habillées presque comme des
religieuses, et qui restent en contemplation devant une boutique de dessous féminins
osés. Les formalités durent un peu trop,
et on a beaucoup de mal à trouver un office du tourisme discrètement
enfoui dans un immeuble. Mais Marik réussit à nous faire inviter,
par un lieutenant surnommé d'Artagnan, sur une frégate militaire
qui offre un cocktail le soir même. Du pain français, s'il vous plait,
par le boulanger du bord, et des discussions sympathiques avec le commandant de
bord, " d'Artagnan " qui me fait penser à Pierre Loti, et un
lieutenant fana de voile qui sait ce qu'il veut. On se couche bien vannés.
Et à 3h, pluie tropicale, avec les panneaux
ouverts, of course. Et à 5h Marik se lève pour installer le taud
récupérateur d'eau. Résumé
de la journée suivante : visite de la frégate, internet eternity,
pluie encore et lourde sieste. Le lendemain on se ravitaille
au marché, riche et vivant, puis on dînera avec nos lieutenants,
Jean-Baptiste et Joseph, après un apéro dans le bateau (et après
la messe de l'évêque de Trinidad à laquelle ils sont allés
!). Jean-baptiste a appris dans la nuit qu'il était papa. Nous, on apprend
que les mentalités changent vite dans la marine nationale, et que ces frégates,
dites de surveillance, participent à la lutte contre la drogue en arraisonnant
les navires douteux (en restituant toutefois les prises aux autorités du
pays concerné !)
Irving
bay Course
au gazole, en taxi, puis départ sous bon vent pour Irving bay. Mais on
regrettera de ne pas s'être arrêté à Pigeon point, car
l'accés à Bucoo Reef, un des plus beaux sites de plongée
de Tobago, depuis cette baie, se révèle si compliqué qu'on
y renonce. On se contente d'aller sur les récifs proches et c'est déjà
très beau. En particulier une toute jeune demoiselle à queue jaune,
au corps bleu foncé constellé de fines turquoises irisées
: un vrai bijou vivant de 4 cm de long. Et hop, vent
plein pif, pour
Castara
bay On
me l'avait dit, mais maintenant je le sais dans ma chair, l'annexe fait facilement
un looping quand on débarque à la plage de Castara : en l'occurrence
c'est moi qui ai fait le looping sous le dinghy. Et un rinçage complet
à l'eau douce, un, avant d'aller dîner d'un savoureux
King fish aux 8 légumes. Jolie promenade dans
une orée de jungle avec rivière, cacaotiers, perroquets et douche
sous une vraie cascade. Puis on écoute un très touchant steel's
band man jouer quelques morceaux, avant de discuter près de 2 heures avec
lui sur la plage. " If I can't do the best with my heart, then I do nothing
". Beau programme. Plus
tard, PMT grandiose vers la pointe Est, où l'on voit des perroquets (marins
ceux-là) et encore des demoiselles. Et des gorgones bleues ou violettes
à la Yves Tanguy.
Dîner
: soupes chinoises en sachets, sous le sourire narquois de Marik! Mais aussi aubergines
cuites en sauteuse couverte, avec intercalage d'ail, sel et piment, et huile d'olive
bien sûr, préparées par le chef !! On
va boire un coup dans un bistrot de pochtrons sympas
(ils commandent de l'eau, mais ils ont la bouteille de rhum dans la poche). Une
excellente escale une fois qu'on sait qu'il faut prendre l'annexe en maillot de
bain et sans moteur, et mettre ses vêtements dans un sac étanche.
Charlotteville Mouillage
dans la baie des pirates, réservée aux pêcheurs, mais heureusement
il n'y avait pas de filets. Pas de rouleaux sur la plage. Ville coquette. Le gars
de l'immigration ne veut pas nous faire la sortie. " It is not my problem
". Et on doit retourner en taxi à Scarborough (et à grands
frais), où la préposée nous tamponne les passeports sans
demander
de précisions. Dîner chez Marilyn, avec
vue sur Nomade. Good shrimps. Et on the sea to Martinique (200 miles),à
20h30. Vingt noeuds de vent au prés, avec 2
ris et assez peu de génois. On a un peu de mal à tenir le cap (355°
vrai) au début, et la vitesse ensuite. Mer agitée à forte.
Arrivée sans encombres au Marin dans l'après-midi du 19 décembre.
9.
Martinique et Guadeloupe (décembre-janvier
2004)
L'arrivée en Martinique se
fait au cul de sac du marin. La baie est magnifique mais les voiliers y poussent
comme des champignons. La marina a 600 places et c'est plein ! On se trouve en
saison haute et c'est un va et vient incessant de valises et de chariots remplis
de provisions. L'ambiance n'a rien à voir avec ce qu'on a connu jusqu'ici.
Elle n'est pas désagréable mais il y manque une certaine chaleur.
Pour nous, c'est escale technique en attendant Emilien qui arrive le 24 décembre.
On courra toute la semaine après un technicien
pour régler les problèmes d'énergie (pas les nôtres,
ceux du bateau, mais il nous aura quand même pompés) et à
part montrer le bout de son nez pour dire " je reviens ", il n'aura
rien fait pour nous. Heureusement, cette attente est entrecoupée de bons
concerts dans un bistrot du coin, de balade (en voiture) à l'intérieur
du pays et c'est superbe, et d'une escapade aux anses d'Arlet avec un mouillage
où nous ne serons que deux bateaux, tous les autres étant agglutinés
au fond des anses. On y voit nos premières langoustes
.mais elles
restent un plaisir des yeux. On quitte la Martinique
pour la Guadeloupe puisqu'Emilien repart de Pointe à Pitre. Comme souvent
quand on se fixe un impératif de date, on part même si la météo
n'est pas favorable. 100 miles, ce n'est pas grand-chose et on choisit de passer
sous le vent de la Dominique. Mais c'est du nord, à 25 nuds avec
une mer formée, on l'a dons pile dans le nez. On s'aide du moteur mais
ça n'avance pas et arrivés à 5 miles des Saintes, au sud
de la Guadeloupe, Pierre se rend compte qu'il y a un gros problème, l'inverseur
nous a lâchés. On met la trinquette et deux ris et on se retrouve
à tirer des longs bords qui ont vraiment l'air de nous ramener en arrière.
En plus, les courants nous font dériver et le près n'est pas la
meilleure allure de nomade. Finalement, 12h plus tard, au petit matin, on entre
dans Grande baie. Nous sommes sur l'île de Terre-de-bas,
la moins touristique des Saintes, à la recherche d'un lieu où réveillonner.
On n'a pas l'embarras du choix et on se retrouve au Maracuja, tenu par Jean-Marc,
un gars du coin qui pourtant ressemble à un touareg avec son turban bleu.
On réveillonne avec des métros venus prendre le vert ici et on termine
en dansant la biguine
avec les antillais. On attendra un vent plus calme pour aller à Terre-de-haut,
à deux miles de là au moteur en marche arrière (la seule
qui marche), ce qui ne passe pas inaperçu, et là, un mécano
nous installe un inverseur provisoire. Les quelques jours passés à
Terre-de-bas sont reposants. On y trouve des gens accueillants et c'est l'occasion
de faire une belle balade au milieu des courbarils et des bois d'Inde aux feuilles
parfumées (un peu
notre laurier sauce). On repart des Saintes pour Pointe
à Pitre avec trois belles langoustes pêchées par Emilien.
Il n'est pas peu fier de ses prises et nous les mangerons en mer en tirant des
bords pour passer Capesterre. La mer est agréable, nomade avance, et c'est
une belle nuit. Emilien nous quitte le lendemain. On aura le temps avant son départ
d'une balade à Pointe-à-Pitre avec une visite qui vaut largement
le détour au musée Saint John Perse. On déguste au marché
de la darse notre première noix de coco fraîche (et oui ! et pourtant,
ça fait un moment qu'on voit des cocotiers) et on goûte à
toutes sortes de fruits exotiques : mangues, pommes cannelles, bananes pommes,
maracuja
J'apprends comme ça
que ce dernier n'est autre que le fruit de la passion.
Ici, c'est à nouveau escale technique. On doit attendre une semaine les
pièces de l'inverseur, car tout vient de métropole. Et pour continuer
dans la série, on a failli perdre le guindeau en mouillant à l'extérieur
de la marina, tout ça à cause d'une soudure qui a lâché.
Y'a des jours comme ça
Enfin, la vie n'est pas si dure et on fera
encore de belles balades dans la magnifique forêt de basse-terre, aux arbres
si hauts qu'on n'en voit pas les feuilles. On quitte enfin la Guadeloupe avec
un inverseur tout neuf, direction l'île à Vache en Haïti.
10.
Ile à Vache (750 milles ; 8 jours ; janvier 2004) On
fait d'abord un petit arrêt aux Saintes pour rendre l'inverseur provisoire
à Eric, le mécano qui nous a dépannés au départ.
Cela fait plusieurs années qu'il est installé ici après avoir
baroudé avec son bateau (Sairce, qui vient de Paimpol !). En fait, il ancre
son voilier pendant la saison sèche aux Saintes, où il est dépanneur
en tout genre et il repart pendant la saison des cyclones du côté
du Venezuela. Comme il est le seul ici et que beaucoup de bateaux sont loués
par des gens qui ne savent pas toujours où se trouve le moteur (j'exagère
juste un peu), il arrive à s'en tirer financièrement comme ça.
Il n'est pas le seul à avoir des compétences et à s'être
installé aux Antilles françaises mais ceux qu'on a rencontrés
sont dans les marinas et ont l'air d'être complètement
surbookés alors qu'Eric a l'air de gérer son temps comme il l'entend. Donc,
après cette parenthèse, nous voilà partis pour 750 miles
et je ne sais pas ce qu'on a fait à Eole mais ce ne sera qu'alternance
de calmes plats et de vent de 10-12 nuds maxi. Chaque jour, on se dit "
ça va changer, en pleine saison des alizés, la pétole, ça
ne dure pas ". Eh bien NON ! ce sera comme ça jusqu'à l'arrivée. On
découvre la partie ouest de l'île à vache avec l'anse Dufour,
une vraie plage de carte postale, avec cocotiers, sable blanc et eau turquoise,
juste arrondie ce qu'il faut. On contourne la pointe pour rentrer dans la baie
Ferret avec au fond une autre petite anse : Port Morgan au bord de laquelle se
trouve un hôtel du même nom. Nous n'avions pas encore mouillé
qu'une pirogue vient à notre rencontre, c'est Davy et Feldom qui nous conseillent
de se mettre à l'ancre et non aux bouées de Port-Morgan, sinon,
il nous en coûtera 5$ par jour. Ils en profitent pour nous expliquer qu'
" il vous faut un drapeau de Haïti, c'est obligatoire et justement,
on en a un à vous vendre ". Ils nous sortent le drapeau et après
quelques tractations, nous voilà presque en règle. Ils nous apportent
après deux noix de coco et deux ufs comme cadeau de bienvenue. Ensuite,
ce sera un défilé quasi permanent de pirogues, et chacun a une histoire
particulière qui se termine toujours par " Est-ce que tu penses pouvoir
faire quelque
chose pour moi ? " On a vu tellement de monde que j'ai du mal à distinguer
chacun et son histoire. Au bout de quelques jours, je finis par les reconnaître
; ils ont quelquefois des prénoms surprenants. Je m'attache à trois
petits mômes : Michelet, Léonès et Makensy. Ils sont drôles
et débrouillards et viennent nous voir tous les jours. On verra aussi Lorenski,
David, Daniel, Cosey Dupond, un pêcheur de langouste, Jean, un étudiant
qui veut monter un groupe de musique Haïtienne, un autre qui veut faire une
troupe de théâtre
Le premier jour,
on achète des petits citrons verts à Mitterrand et Casimir "
25 gourdes les 5 citrons (4 francs)" " c'est trop cher " "
non, non, en ce moment, ce n'est plus la saison, on n'en trouve plus ", tout
ça dit avec le plus grand sérieux. Le lendemain, au marché,
on achète 75 gourdes un énorme sac de citrons
.Comme à
chaque fois, on apprend petit à petit et je peux dire que ça a bien
fait rire les mômes qu'on se soit fait avoir. Les lundi et jeudi, c'est
donc marché à Madame Bernard, le seul gros village de l'île.
Nous y allons
à pied et réussissons à être seuls, ce qui est un exploit.
Les paysages sont superbes ; au détour d'un morne, nous découvrons
des hameaux aux maisons joliment décorées et aux couleurs vives.
Ici, pas de voitures ni de motos ; on se déplace à cheval, à
pied et beaucoup en " bâtiment ", le voilier pays. On croise sur
le chemin des écoliers en uniforme. Certains font tous les jours les 9
Km qui séparent Caye
coq (le village devant lequel nous mouillons) de Madame Bernard. Les champs sont
labourés avec un attelage de buffles, dans les cours, on moud le mil ou
le maïs avec un moulin à main. Touristes que nous sommes, nous trouvons
cela pittoresque mais si la nature est généreuse sur cette île,
la vie reste quand même dure. Pierre veut filmer
des pêcheurs qui remontent un filet, mais rencontre une hostilité
immédiate ; " jamais, jamais " crie une femme. Du coup il range
son caméscope et se met dans la file d'hommes et de femmes qui tirent rythmiquement
sur la corde. Rires mitigés, puis tout se termine dans la bonne humeur.
Ce refus de se faire photographier n'est pas fréquent, mais toujours véhément,
et on n'a pas réussi à en savoir la raison. Le
marché est important, on trouve essentiellement des fruits, des légumes,
du poisson.
Un boucher vend un cochon et c'est la seule viande qu'on verra durant notre séjour.
Des dizaines de bateaux pays sont mouillés devant et on en prendra un pour
rentrer à Caye coq. On avait retrouvé Lorenski et c'est lui qui
nous
trouve un voilier. Le capitaine nous annonce 250 gourdes pour les trois. Pierre,
tout fier, fait baisser le prix à 200 gourdes et nous voilà embarqués
sur un voilier non ponté, plein de paniers de provisions, de cannes à
sucre, de régimes de bananes
. Le départ est une vraie bousculade,
des femmes remontent leurs jupes pour rattraper le bateau qui s'éloigne
déjà du rivage. On doit être une douzaine, essentiellement
des femmes. L'ambiance est détendue et ça tchache et rit beaucoup
mais si je reconnais quelques mots dans leur créole, le sens m'échappe.
En tous cas, le bateau file à bonne allure avec son gréement aurique
et ses voiles rapiécées avec des morceaux de draps fleuris, et c'est
un retour agréable mais quand à l'arrivée, je verrai les
passagers donner 5 gourdes pour le voyage, je me suis dit que les gourdes ne sont
pas où on le pense. Comme a dit Pierre au capitaine, " là,
on a payé pour tout le monde ", ce qui a encore été
un bon sujet de rigolade pour l'entourage. Pierre aura quand même droit
aux bras du capitaine pour aller jusqu'au rivage sans se mouiller le pantalon. Pendant
une de nos balades, on tombe sur une arène de combats de coq. Il y en a
un qui va commencer. Les esprits sont surchauffés, les paris montent, les
coqs sont mis sur la piste et le départ est donné. Chaque propriétaire,
l'un d'eux est Feldom, a des gestes particuliers pour encourager son coq ou l'exciter
mais les volatiles doivent avoir une certaine lucidité et, au début,
ne veulent pas se battre, ce qui excite encore davantage les parieurs ; le plus
gros coq finira quand même par porter des coups de bec cruels (ils
n'ont pas de lames de rasoir à la patte comme à Bali) à celui
de Feldom, qui sort, vaincu, dans un piteux état. Feldom, pâle comme
un mort, le ramasse pour le bercer dans ses bras. La
religion occupe une place importante chez les Haïtiens ; à Caye Coq,
ils sont protestants et à Mme Bernard, catholiques. Un voilier américain
est au mouillage, nous apprenons qu'il appartient à une association de
l'église de dieu et qu'ils sont là pour faire des conférences.
On nous invite à l'une d'elles mais nous déclinerons l'offre. Tous
les soirs, nous entendons leurs tambourins et leurs chants et quand on écoute
le prédicateur dans l'église, en plein air, on pense plutôt
à une secte. Un jour, des cris et des pleurs
résonnent le long du rivage. On apprend qu'une femme du village vient de
mourir, dans un hôpital de la Ville aux Cayes (sur Haïti). Le frère
de la morte ne tardera pas à nous faire part, avec une voix doucereuse,
de ses difficultés financières. Mais en définitive, ne pouvant
satisfaire tout le monde, nous déciderons d'aider Lorenski, un étudiant
qui ne pouvait plus payer ses études depuis 3 mois et qui allait se faire
renvoyer. Un soir nous dînons à Port Morgan.
Un canadien, catholique et volubile, nous offre du muscadet. Puis il badine avec
la secrétaire qui dîne étrangement là. La nuit, leurs
voix alcoolisées se mêlent aux pleurs du village pour la morte. Ile
détonnante, aussi païenne que religieuse. Un
seul voilier viendra mouiller dans l'anse pendant notre séjour. Un petit
sloop en fibre de verre de la première génération, nommé
Karma, avec un couple sympathique et courageux de jeunes français à
bord. Ils viennent de Guyane française, via le Venezuela et Saint-Domingue
et repartiront pour la Jamaïque. Nous échangerons des livres juste
avant de lever l'ancre, en regrettant - de ne pas avoir fait mieux connaissance
avec un couple de suisses qui, victime d'un piratage au large d'Haïti suivi
d'un échouage, a renoncé à réparer le bateau et s'est
installé sur l'île. - de ne pas avoir assisté à
l'enterrement qui avait lieu le lendemain, et qui nous aurait peut-être
permis d'assister à des rites vaudous, et de nous rapprocher de la population,
mais la météo annonce que le grand ventilateur va tourner lentement
et nous devons arriver le 5 février à Casilda.
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